Entretien avec Nicolas Gin, chef de projets fluides chez Chabanne. Des problématiques qu'il rencontre au quotidien, à la manière dont son pôle s'inscrit dans l'agence, tour d'horizon des principaux enjeux du pôle Fluides.

1) Ton métier en 3 mots ?

Je dirais vision, intégration et coordination.

La première étape, la « vision », consiste à passer d’une volonté de projet de la Maîtrise d’Ouvrage, à la recherche de la solution énergétique la plus adaptée à chaque besoin. Cela nécessite une compréhension approfondie des besoins pour trouver le vecteur, le type d’énergie le plus adapté à la géographie du projet.

L’ « intégration », c’est intégrer cette vision au projet, avec les contraintes diverses, techniques et financières, pour faire fonctionner les systèmes imaginés.

Une fois les premières faisabilités établies, le but est de gérer la production, en partenariat avec les ingénieurs de l’agence qui vont faire les calculs, la mise en plan, la synthèse avec les autres corps d’état… Le tout est d’assurer cette coordination avec l’évolution du projet.

2) Quelles sont les problématiques que tu rencontres au quotidien et ta façon d’aborder le métier chef de projet fluides ?

Notre problématique principale, c’est l’intégration des solutions techniques à un projet architectural dans le respect de la vision de l’architecte et de la réglementation. Chacun a ses volontés et ses contraintes, et il faut concilier le tout. Cela nécessite un échange permanent avec les architectes pour intégrer les solutions, ainsi qu’avec le gros œuvre et le bureau de contrôle pour les validations de nos choix de conception.

3) De quelle manière ton pôle s’inscrit-il dans les différentes phases de conception et de réalisation des projets ?

En phase de conception en amont, nous proposons les choix qui nous paraissent les plus pertinents. Puis la réflexion est poussée avec la Maîtrise d’Ouvrage pour se mettre d’accord sur les propositions techniques et pour que le projet s’inscrive dans la vision de la MOA notamment en termes d’exploitation et de coût énergétique. Ce travail est alors réalisé avec le Pôle Energétique & Environnement pour quantifier ces coûts et vérifier la rentabilité des solutions techniques envisagées.

En phase étude, le projet va être développé pour devenir un ensemble fonctionnel architectural et d’ingénierie. Ce projet sera déployé par une équipe d’ingénieurs et projeteurs métiers du pôle Fluides, dans les compétences des courants forts, faibles et SSI, du traitement d’eau ainsi que le CVC, froid et plomberie sanitaire. Toute cette équipe intervient en coordination des multi-compétences de l’agence.

Enfin, en phase de réalisation, lorsqu’une contrainte apparait, nous sommes là pour expliquer nos choix de solutions et accompagner les ingénieurs travaux dans des potentiels ajustements.

Aujourd'hui, nous sommes tous conscients de l'importance d'investir dans des solutions énergétiques. Nous regardons plus finement la production énergétique et proposons généralement plusieurs variantes.
Nicolas Gin
Chef de projet fluides

4) Un projet phare en cours ? 

Nous avons beaucoup travaillé ces derniers mois sur le projet de l’EHPAD de Montbrison, qui va démarrer en travaux en 2023. Sur ce projet, nous avons prévu des pompes à chaleur qui fonctionnent en thermofrigopompe. Cette installation a été choisie pour répondre à deux besoins en même temps : absorber la chaleur de la cuisine pour la restituer dans l’équipement.

En complément de cette source de chaleur, nous mettons en place de la géothermie sur sonde. Ce système permet de couvrir 73% des besoins chaud et froid du bâtiment. A noter que les besoins non couverts sont ceux d’eau chaude sanitaire du fait de la haute température du stockage.

Dans le cadre de cette géothermie, et pour respecter le sous-sol du projet, nous nous assurons d’une forme de compensation : nous rendons au sol de la chaleur lorsque nous n’avons pas besoin de chauffage. Cette chaleur rendue au sol en période estivale nous permet de proposer un rafraîchissement des chambres des occupants. Un confort non négligeable du fait des fortes températures enregistrées ces derniers étés.

Cet équilibre permet de maintenir le sol à une température moyenne constante entre l’été et l’hiver pour ne pas dégrader les performances de la PAC au fil des années d’exploitations.

Nous avons également, sur la toiture, un mix avec des panneaux solaires photovoltaïques et de la récupération d’eau pluviale pour l’entretien des extérieurs.

5) Maîtriser la consommation d’énergie et favoriser l’énergie « propre » est un défi de taille aujourd’hui. Comment décrirais-tu les enjeux de ton secteur dans notre société actuelle, au sein du monde du bâtiment ?

Nous constatons une évolution des comportements de la part des décideurs, qui ne voient plus de la même manière l’exploitation de leurs bâtiments. En effet avec des coûts des énergies qui ont fortement augmenté en 2022, un regard important est porté sur les futures factures énergétiques des bâtiments. Aujourd’hui, nous sommes tous conscients de l’importance d’investir dans des solutions énergétiques. Nous regardons plus finement la production énergétique et proposons généralement plusieurs variantes. Cela permet d’impliquer la Maîtrise d’Ouvrage dans le choix des énergies. De notre côté, cela nous permet sur chaque projet d’étudier un maximum de solutions de récupération et d’ENR afin faire le choix le plus précis possible, et de connaître les leviers pour une consommation la plus maîtrisée possible.

Il y a également une dimension politique, notamment avec les subventions (Fond chaleur, ADEME, région île de France). Selon les systèmes choisis, nous pouvons faire bénéficier de certaines aides aux Maîtrises d’Ouvrage en les accompagnant dans les démarches de demandes de subventions, comportant souvent un volet technique assez poussé ainsi qu’un suivi énergétique lors des premières années d’exploitation.

Par exemple, sur le projet du centre aquatique de Carquefou, nous avions initialement imaginé des pompes à chaleur sur l’air. Après études approfondies, et pour des raisons de contraintes acoustiques, nous avons étudié une solution plus discrète de pompe à chaleur eau/eau sur sonde géothermique. Le coût étant alors trop important, nous nous sommes finalement dirigés vers une chaufferie bois agrémentée de solaire hybride avec des pompes à chaleur et solaire photovoltaïque. Plusieurs systèmes complémentaires ont donc été mis en place, en discussion avec la Maîtrise d’Ouvrage, pour atteindre 80% des besoins en chaleur couverts par le bois.

Il en est de même pour d’autres ressources sur lesquelles nous sommes vigilants, comme celle de l’eau. Aujourd’hui, notamment sur les centres aquatiques, nous nous efforçons de concevoir les systèmes de traitement d’eau les plus efficaces possible pour consommer l’eau au minimum et nous prévoyons des équipements permettant sa récupération et sa réutilisation. De même, les Maîtrises d’Ouvrage sont plus soucieuses qu’avant de cette ressource, de nombreux projets se voient implémentés d’une réserve d’eau pour une utilisation d’arrosage des extérieurs ou de nettoyage.