Franck Liechti, responsable du Pôle énergétique et environnement chez Chabanne, explique l’investissement de nos équipes sur de nombreux terrains de réflexions et partage sa vision sur les enjeux liés à la biodiversité.

Peux-tu nous parler du groupe de travail « Construction Bas Carbone » chez Chabanne ? 

FL : Nous avons initié un groupe de travail interne multi disciplinaire réunissant près de 30 architectes et ingénieurs de toutes expertises qui se sont fixés pour objectif de réfléchir ensemble pour aller plus loin dans la démarche de conception responsable. Leur objectif est de répondre aux ambitions durables que nous nous fixons pour nos équipements demain, et ce au travers de réflexions sur plusieurs grandes thématiques : la terre crue, le low tech, la construction bois, le béton bas carbone ou encore la biodiversité. 

Les sujets d’énergie et de choix des matériaux adéquats sont déjà bien ancrés à l’agence depuis de nombreuses années. La réflexion sur la biodiversité doit quant à elle prendre une part plus importante dans les projets. 

 

Quelle doit être l’intervention des équipes d’architectes et d’ingénieurs sur cet enjeu de biodiversité ? 

Le constat est simple : les plantes représentent 90% de la biomasse sur Terre. L’homme ne représente que 0,01% du poids du vivant. Il y a un petit exercice d’humilité à faire ! Sur ces 40 dernières années, l’Europe a perdu près de 40% de ses insectes. Un véritable problème, car ils sont responsables de 75% des cultures et assurent un tiers de notre alimentation.

60% des vertébrés ont également disparu. Un dernier chiffre : en 2050, il y aura plus de plastique que de poisson dans l’océan. Nous aurons plus de chance de pécher un sac  plastique  qu’un poisson. C’est quand même dramatique ! Plus sérieusement, la 6ème extinction de masse est en cours après les dinosaures il y 65 millions d’année et ce n’est pas le réchauffement climatique qui est la cause de tout cela… c’est la perte drastique d’habitat : il y a tout simplement de moins en moins d’espace pour le vivant.

« Notre objectif : végétaliser et recréer des habitats. Il faut remettre de la nature dans nos vi(ll)es.  »

Nos équipes intègrent donc cet enjeu essentiel à leur réflexion de conception, car la destruction et la fragmentation des milieux naturels est en partie liée à l’urbanisation et au développement des infrastructures. Lorsque l’on construit sur une parcelle autrefois vierge, on imperméabilise et on réduit par conséquent la biodiversité.  

Notre objectif est de recréer des habitats dans nos projets en maximisant la surface végétales (parkings, pieds de bâtiments, toitures, etc.). Tout comme les réseaux d’électricité, de chaleur ou d’eaux de pluies, qui sont systématiquement anticipés, nous réfléchissons à des « réseaux verts », des trames vertes qui entourent le bâtiment et qui forment une réserve dédiée à la biodiversité. Au-delà de notre propre périmètre, ces réseaux verts pourraient également lier plusieurs projets au sein d’une même ville.  

Les réserves d’eau pluviales sont réfléchies en végétalisant plutôt qu’en enterrant des bassins. 

Il est également possible de concevoir une façade en intégrant des « accidents de façade » pour créer des reliefs pouvant accueillir ou nicher des insectes et oiseaux. Nous devons collectivement envisager cette option non comme une contrainte (de maintenance par exemple), mais comme de la vie en plus. Concernant la création d’habitat, il est bien sur envisageable d’intégrer au projet des ruches, des nichoirs à chauve souri ou autre habitât et ainsi recréer  tout un cycle vertueux. 

Cette thématique de la biodiversité est une passerelle entre le pôle énergétique et environnement et le pôle VRD et Aménagement extérieur. J’ai moi-même pris conscience que le rôle du paysagiste n’était pas de rendre beau, mais de maintenir, développer ou créer la biodiversité. 

 

Comment peut-on mesurer l’impact du bâtiment sur la biodiversité ? 

Nous sommes une entreprise d archi/ingé. Les ingés ont besoin de mesurer, de compter pour comprendre. Le coefficient de biotope est un outil qui calcule la somme de surface éco-aménageables ou éco-compatible. Si une surface est imperméable son coefficient est 0 : il n’y a pas de vie qui peut exister sur cette surface. Si une surface est en pleine terre son coefficient est de 1.  

De ce fait, nous essayons de ramener le rapport « surface éco-aménageable/surface de la parcelle » au plus proche de 1. A terme, nous réfléchissions à fixer un minima de coefficient biotope sur tous nos projets pour en faire un véritable engagement. 

Tout dernièrement, nous avons par exemple revégétalisé un ancien terrain de sport en béton devenu centre aquatique dans le 20ème arrondissement de Paris. Un projet livré début décembre 2019 qui permet, par une végétalisation de 50% de sa toiture, de ramener de la biodiversité. Une partie de cette toiture sera une toiture jardin avec 30cm de terre et des espèces végétales d assez grandes tailles, et donc probablement des oiseaux qui viendront nicher dedans. Le tout en plein centre de Paris ! 

Tout ceci est également lié à des réflexions sur le réchauffement climatique et la lutte contre les îlots de chaleurs urbain existants dans les grandes zones urbanisées. Nous savons tous qu il fait plus frais dans un parc ou au bord de l eau que sur avenue goudronnée. Il faut donc remettre de la nature dans nos vi(ll)es.